INTRODUCTION
J’allais me mettre à vous écrire sur les belles réalisations de ces dernières semaines. Et puis, je suis tombée sur ce texte écrit le 16 avril. Cette prise de conscience que j’ai décrit dans les phrases qui suivront…Je vous la partage aujourd’hui avant de vous parler des articles sur mon EP, des beaux retours des auditeurs, et de la magnifique expérience de ma première partie au café de la danse à Paris (qui m’a renversé le cerveau !).
Alors, il y a tant de belles choses à raconter, pourquoi je partage ce texte avant ? Parce que cela fait partie du processus. Ce chemin, je voudrais vous le retranscrire de la manière la plus sincère possible. Alors, sans ce texte, il manquerait un bout de la vérité.
Promis je reviens très vite pour vous parler des avancées merveilleuses de mon projet sur fin-avril-début mai, mais là. Il est temps de clore le chapitre des doutes !
Bisous !
Lucie
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JPP - J’en peux plus
Je crois que je ne peux plus faire semblant de m’intéresser aux choses qui ne m’intéressent pas. Je n’ai plus cette « grandeur d’âme » (pour faire référence au mème avec Fabrice Lucchini!)
Depuis 1 an, j’ai beau essayer de faire les choses bien, le travail que j’exerçais jusqu’à maintenant me fait angoisser. Physiquement, je me sens mal, je stresse, je surinterprète, j’ai mal au ventre et je me sens piégée.
J’ai vraiment besoin de régler mon rapport au travail.
Pour ceux qui me lisent depuis le début, vous savez que je parle maintenant 5 ans ce sujet dans ce blog. Cela fait 97 articles où je parle de ça.
Je pense qu’en 97 fois, j’ai bien dû réussir à faire le tour du problème !
C’est vrai que, mentalement, j’ai fait le tour du problème (peut-être même plusieurs fois), mais dans la vraie vie, je n’arrive pas à appliquer mes idées.
Je suis comme une personne qui n’arrive pas à quitter son conjoint toxique.
Je sais que cela me ferait du bien de faire les choses autrement, que je me sentirais beaucoup plus libre, que toute la charge que je fais peser sur mes épaules disparaitrait, mais je n’y arrive pas (encore).
Alors je continue mes tours et mes détours, mes tentatives, mes projets pour creuser le sillon.
Il y a toujours eu, jusqu’à maintenant, le moment où, j’ai flanché, et j’ai repris le cours de ma vie, en mettant une priorité sur mes missions de consultante. En 2021, c’était carrément flagrant, à la naissance de ma fille, pour me redonner confiance, j’ai recommencé à travailler dans le conseil, alors que j’avais quitté une école de théâtre que je faisais à plein temps juste avant. Pourquoi n’ai-je pas repris là où je m’étais arrêté ? Je ne sais pas. C’était douloureux. Cela me paraissait compliqué. Peut-être bien d’autres raisons encore.
Mon choix d’il y a 10 ans
Mais, si je regarde encore plus loin, je vois la Lucie d’il y a 10 ans très exactement.
Je la voix quitter Montpellier avec une larme sur la joue. Parce qu’elle vient de monter un groupe de musique, parce qu’elle commence à se faire de nouveaux amis, parce qu’elle a retrouvé goût à la vie dans son sud natal, parce qu’elle aime composer des chansons dans le noir à minuit, elle n’a pas très envie de ce poste à Paris.
10 ans après, je ne sais toujours pas si le hasard a été bien heureux ou malheureux de me faire trouver un métier dans lequel j’ai pu travailler 10 ans sans m’ennuyer trop, et qui mette à profit certaines de mes qualités. Seulement, voilà, la vérité, c’est que je n’ai jamais vraiment « choisi » ce travail. Je n’ai jamais rêvé de faire une école d’ingénieur, ni rêvé de faire des missions de conseils à mon compte. C’est une réalité satisfaisante et rassurante. C’est socialement valorisant, et à mes yeux, cela me permet d’être « normale ».
« Je suis dans le rang, je vous dit. Je suis libre aussi. Regardez, je fais un métier que personne ne sait définir ! »
Une des phrases que j’ai le plus entendu ces 10 dernières années : « Consultant, heu, consultant en quoi ? »
Avant d’arrêter ma dernière grande mission de conseil, il y a un an environ, j’ai réalisé à quel point j’étais timbrée. J’ai réalisé que savais me faire croire à moi-même que c’était important et que ça m’intéressait. Le matin, je me levais, je n’en avais rien à faire. Et puis, j’allais chez le client, et la magie opérait, soudain, le planning des déploiements avait une grande importance à mes yeux. Mais à quel prix ?
Quel est le prix pour se faire croire pendant 10 ans que des choses qui nous importent peu sont réellement plus importantes que tous les rêves que l’on a dans la tête ?
Et plus grave encore, combien faut-il encore d’argent, d’achats compulsifs, de week-ends, d’étagères à poser et d’apéros, pour venir étouffer le feu créatif qui brûle en moi ?
J’ai trouvé ma limite.
Ma limite est celle de mon angoisse. Celle qui se réveille régulièrement depuis 1 an ½. Celle qui m’a fait très très peur. Non, je n’ai pas eu un burn-out qui m’a empêché de me lever de mon lit pendant 6 mois, mais je compte bien écouter les signes forts qui me sont déjà envoyés depuis un moment.
J’atteins également mes limites pour deux raisons simples :
- Je vieilli. Je vois le temps qui passe, mon énergie qui diminue et les compromis me semblent plus difficiles.
- J’ai un enfant. Je n’ai plus le temps de perdre mon temps. Je n’ai plus d’énergie pour rien d’autre que ce qui est indispensable à mes yeux.
J’ai toujours eu peur du métier d’artiste : peur du peu de reconnaissance, peur de la marginalité, peur du regard des autres, peur de mon propre regard sur moi-même, peur de la folie, peur du manque de confort, peur de me planter dans un truc que j’aime le plus au monde. Cela révèle bien sûr ma fragilité, mon besoin de sécurité.
Jeune je n’étais pas capable de faire le pas vers une carrière artistique. Trop indécise, trop douée dans d’autres choses, trop sentimentalement instable.
Au fond de moi je crois que je suis quelqu’un qui se réalisera tardivement.
Je ne sais pas pourquoi je le sais, mais j’ai cette croyance. Cette impression que la maturité, c’est quelque chose qui m’aidera. (J’ai toujours été un peu trop « mature » pour mon âge mais en fait, ça voulait juste dire « pas tout à fait fun », l’assurance d’un peu d’expérience, je ne l’avais pas encore).
Peut-être que je me plante, et que mon intuition est mauvaise. Seulement voilà, j’en ai marre.
J’en ai marre de ne pas l’écouter.
J’en ai marre de faire toujours l’inverse de ce que je ressens.
J’en ai marre de superposer plusieurs vies en une.
Je suis fatiguée.
Et si un jour, j’arrivais à assumer que je suis une artiste professionnelle. Une artiste qui vit de son art. ou même pas. Juste une personne qui se consacre à son art entièrement.
Ce jour-là, cela ne sera pas un relâchement, mais bien une victoire.
Ce jour-là, j’aurai lâché mon fardeau de la « fille intelligente » qui peut quand même faire d’autres trucs à côté.
Ce jour-là, j’aurai posé toutes les valises lourdes à porter, et je sentirai en fin légère.
Ce jour-là, je me serai réellement éloigné de mon ex-toxique, et je ne serai plus en relation libre avec lui (freelancing).
Ce jour-là, je me lèverai le matin pour « accomplir ».
Ce jour-là, je me fouttrai de bosser le jour, ou la nuit, ou les week-ends, du moment où je vis bien ma vie de famille.
Retour à Montpellier : 10 ans plus tard
Ce n’est peut-être pas un hasard si je suis revenue à Montpellier, la ville de mon premier « sacrifice » professionnel. La ville où, un soir, j’ai accepté une proposition de premier emploi, et où j’ai décidé de me « ranger ». Il y a peut-être une vengeance là. Il y a quelque chose à inverser.
Je ne conteste pas mon choix d’il y a 10 ans. Je ne le regrette pas. J’ai fait mon chemin. J’ai rencontré des gens formidables. Et je me suis prouvée des choses à moi-même.
Seulement, aujourd’hui, je n’ai plus la même patience, la même urgence.
Il y a une urgence à vivre ma vie. Je ne sais pas si c’est le covid, l’enfant ou les guerres.
Je commence à trouver que le temps passe trop vite, je commence à trouver le monde fragile, et moi parmi lui, fragile aussi.
Bien sûr j’ai peur de me planter, de ne pas arriver à en vivre, etc. Mais je crois que je n’en suis même pas ces questions-là.
Le choix du travail : alors je le fais ce choix ?
Vais-je réussir à, enfin, faire ce choix ?
Vais-je réussir à, enfin, faire mon choix ?
Le choix de moi-même.
Le choix du cœur.
C’est comme si je me forçais à épouser un mec que j’aime pas.
On le demande pourtant aux ados « qu’est-ce que tu aimes faire ? », « qu’est-ce que tu apprécies ? », pour essayer de les aider dans leur orientation professionnelle.
Moi, la fille insécure, j’ai toujours cru qu’il valait mieux être plus mature que ça.
J’ai toujours cru qu’il y aurait une récompense au-dessus de ça.
Voilà, 15 ans plus tard, je me rends compte qu’il n’y a pas de récompense pour être obéissante.
Il n’y a aucune récompense pour quelqu’un qui suit les règles.
Il n’y a aucune satisfaction personnelle à avoir suivi « ce qu’il faut faire parce qu’on en a les capacités ».
C’est même profondément destructeur de développer tant d’efforts et de compétences pour un truc dont on se fou.
Cela fait devenir un caméléon.
Cela fait devenir une personne avec plusieurs personnalités.
Parfois, j’aimerais avoir le cran de me présenter telle que je suis. D’affirmer des choses. Car j’ai toujours eu peur de les affirmer. J’aimerais avoir quelques certitudes, et ne pas me cacher de penser certaines choses.
J’ai bien-sûr entendu, et vu, et compris que la vie d’artiste n’est pas de tout repos.
Mais je me demande si les efforts surhumains que je fais depuis 10 ans pour m’adapter à une place qui n’est pas la mienne, ne seraient pas plus épuisant que de simplement me donner à fond dans la musique ou dans quoi que ce soit d’autre qui me fait kiffer.
Maintenant, il faut lâcher le boulet.
Vraiment, et pour toujours. Il faut balancer les chaînes au fin fond de la mer, et pour toujours. Il faut goûter à la liberté. Il faut goûter au doute. Il faut goûter aux incertitudes, il faut plonger dedans.
« Ailleurs » est mon maillot de bain, Radeau Records est ma gourde, Tadam Records est ma crème solaire.
Il y a besoin de quelque chose : juste la décision de ne pas revenir en arrière. Jamais.
Cette décision définitive.
Cette décision radicale.
Qui je suis sûre changera tout dans ma vie.
Que faut-il pour la prendre ?
J’ai toujours cru que si quelqu’un proche de moi était malade, je la prendrais.
Matis a été malade, je n’ai rien changé.
François est décédé, je n’ai rien changé.
Rien de violent ne m’a fait changer.
Parce que c’est à moi de décider.
CONCLUSION
Ce texte se termine comme ça. Un peu abrupt. À qui je parle à la fin ? Je me parle clairement à moi-même. C’est un texte très personnel, et j’hésitais un peu à le partager. Je pense que ce n’est pas pour rien qu’il est resté un mois caché dans mon ordinateur.
Mais aujourd’hui, un mois après….
Ce choix est fait : je veux devenir une artiste professionnelle.
Je suis prête à entrer dans ce chemin et à en faire les expériences nécessaires pour avancer.
J’ai toujours un peu peur de faire machine arrière, d’être effrayée à un moment et de rebrousser chemin…mais au fond de moi, je sais tellement que je vais dans la bonne direction. Je sais tellement le nombre de détours, le nombre d’années à ne pas choisir ça, je sais à quel point c’est douleureux de ne pas choisir.
Aujoud’hui, je ne me demande plus “si j’y vais”, mais “comment y aller”, et cela change déjà tout !
A bientôt pour que je vous raconte mes dernières aventures, beaucoup plus concrètes celles-ci !
Bisous
Lucie
Je vais faire un commentaire public court... mais je t'écrirais sûrement en privé :
Merci. C'est exactement ce que je traverse. J'aurais pu écrire presque chaque ligne, chaque mots de ton texte tellement c'est ce que je vis en ce moment. Ton texte me permet d'oser ouvrir un peu plus les yeux sur ce que je ne suis pas tout à fait prête à voir. J'ai moi aussi le sentiment que je vais me réaliser "sur le tard" (et on me le dit) mais je ne suis pas sûre d'avoir envie d'attendre pour autant de passer à l'action.
Merci de ne pas avoir laissé ce post de côté et de l'avoir partagé ici.
Merci d’avoir partagé tout ça ! C’est vraiment courageux de prendre les décisions pareilles. Je ressens un peu la même chose, je crois, mais dans mon cas, je ne sais pas (je n'entends pas ma voix intérieure) qui je veux devenir, mais déjà voir que le problème existe, c’est pas mal.
Alors je voudrais vous souhaiter la force et l’énergie nécessaire pour aller plus loin possible en cherchant son chemin dans cette vie merveilleuse et imprévisible !! Vous êtes une personne forte (à mon avis).
Que votre voix intérieure ne s'éteigne jamais !