Pourquoi on achète 15€ de magazines à la gare, mais pas 1€ à un créateur indépendant ?
Petite réflexion sur le marché de l'abonnement digital de soutien aux créatifs
Cette newsletter a été inspirée, et fait écho à plusieurs réflexions que j’ai lu récemment : Marion Olharan Lagan Est-ce que je le vaux bien ? et Nouvelles Lunes Se payer de mots #68
Parce que oui, l’argent est bien un sujet dont les femmes et les artistes peuvent s’emparer !
L’économie ce n’est pas mon domaine de prédilection.
Mais, j’ai toujours été créative, et j’ai toujours voulu vendre mon art.
Petite, j’avais monté une entreprise avec ma meilleure amie “Le bois est pour vous”.
Nous profitions de chaque apéritif pour vendre nos dessins, nos enveloppes illustrées, nos spectacles et nos massages, aux amis de nos parents. C’était fun !
Et, c’est en quelque sorte, exactement la même chose que ce dans quoi je me relance aujourd’hui, en essayant de vivre de mon activité de chanteuse autrice-compositrice indépendante.
Tu veux me voir en concert ? Checke les prochaines dates ici :
Je me demande pourquoi on achète facilement 15€ de magasines au Relay de la gare avant de prendre le train, et que l'on peine à s'abonner à des créateurs indépendants pour 1€ par mois ?
SOMMAIRE
On privilégie encore les produits matériels, mais pourquoi ?
Pourquoi est-ce qu’on achète plus facilement à des gros vendeurs qu’à des petits ?
Est-ce que je montre l’exemple ? Les coulisses de mes différents achats et dons culturels en tant que spectatrice
Mais pourquoi on me demande de m’abonner partout ? Une petite liste non-exhaustive des charges qui incombent aux artistes independants
Tu veux me féliciter pour les 4 heures de travail qui ont constitué la rédaction de cette newsletter ? Abonne-toi gratuitement ici :
NB : Je n’ai pas encore activé l’abonnement payant, donc tu peux faire une promesse d’abonnnement ou bien t’abonner en gratuit (en cliquant sur l’option“Pas d'engagement”).
1. On privilégie encore les produits matériels, mais pourquoi ?
Par le passé, j’ai été consultante, formatrice, et aussi plus récemment, à mon compte pendant 8 ans. J’ai toujours été très connecté et je n’ai aucun problème à dégainer ma carte bleue pour un produit digital (formation, abonnement,…).
Mais je remarque autour de moi, des amis, qui sont moins là-dedans. Moins connectés, moins sensibles au marketing digital, et je les admire.
Je pense aussi à ceux qui perdent ou cassent leur téléphone portable tous les 3 mois, vous les connaissez ceux-là ? :-)
Voici ce qui me fait (ou faisait) passer à l’action pour acheter des produits digitaux :
J’avais de l’argent. J’achetais facilement en ligne, avant, parce j’en avais les moyens. Donc pas besoin de tergiverser pendant 3 heures. Quelques chose me fait envie. Je le prends. Je le teste ou je l’oublie au fond de mes dossiers… C’est en quelque sorte le privilège de l’aisance financière. Une sorte de flux que l’on ne casse pas. Parfois cela marche, parfois cela ne marche pas, mais dans la moyenne des choses, on est souvent content d’avoir fait le pas, et l’on oublie nos mini-échec d’achats fouarreux ou inutiles.
Je n’ai plus de place chez moi, mais j’ai envie de consommer. Encore un problème de riche ! J’aime Marie Kondo, mais j’ai encore envie d’acheter des trucs. Acheter sur internet des produits digitaux ou des abonnements c’est aussi, ne pas dépenser dans des produits physiques inutiles que l’on arrivera pas à stocker (surtout quand on habite à Paris, à 3 dans 40m2), donc on joint l’utile à l’agréable et l’on se dit que finalement il vaut mieux consommer de l’immatériel. Allez go carte bleue.
On a le syndrome de l’objet brillant. Surtout quand on est entrepreneur, on est à l’affut du nouvel outil qui va nous faire gagner du temps (ou de l’argent). on aime bien écouter le dernier podcast à la mode, ou ne pas être à la traine sur Notion, ou sur l’IA. Alors, on dégaine sa CB.
J’aime soutenir. Peut-être parce que je suis dans le même bâteau, ou peut-être même par mon éducation, j’aime montrer aux créateurs que je les soutiens, que je suis là. De quelque manière dont cela se présente. Finalement, c’est l’artiste qui m’envoie sa proposition, et je vois ce qui me fait envie, dans la mesure de mes moyens.
J’ai donc, pour toutes ces raisons des facilités à donner de la valeur à du digital lorsqu’il s’agit d’entrepreneurs ou même de créateurs indépendants !
Et finalement, j’aime les DEUX : le digital ET le physique. Je ne pourrai ni me passer de mon abonnement Deezer ni de ma collection de CDs ;-)
Mais, SURTOUT, il faudrait peut-être penser à acheter des choses dans les marchés de niche, par des indépendants, pour soutenir tout cet écosystème ?
2. Pourquoi est-ce qu’on achète plus facilement à des gros vendeurs qu’à des petits ?
Il paraît qu’il faudrait être exposé 7 fois à une offre avant de l’acheter.
Cela fait un gros boulot de marketing, et tout le monde ne peux pas se le permettre.
Si j’ai eu très envie d’acheter le dernier Lola Young , c’est parce que je l’ai entendue partout, puis vue chanter dans Taratata. Mais tout le monde n’a pas le producteur de Amy Winehouse et les moyens financiers d’une major ;-)
Pour moi, même en cette période où je gagne bien moins d’argent que dans mon ancien métier, cela reste évident de soutenir, même un petit peu les artistes indépendants.
Mais cela demande un effort, celui de se connecter à des personnes qui sont moins visibles, qui peinent à être tout le temps partout, qui auront peut-être moins de régularité sur les réseaux sociaux.
Le manque de temps lui-même, et l'éparpillement sur toutes les tâches des artistes indépendants, peuvent même (soyons honnêtes), se ressentir sur la qualité de ce qu’ils proposent. Je vous en prie : ne soyez pas plus royaliste que le roi. Chacun fait du mieux qu’il peut.
Il faut bien donc, essayer cet effort, pour ne pas être uniquement attiré par la tournée de la Star Accadémie, ou le dernier packaging incroyable du groupe Tool. (petite private joke pour les métaleux ;-) )
3. Est-ce que je montre l’exemple ? Les coulisses de mes différents achats et dons culturels en tant que spectatrice
Je vous dévoile où je m’abonne et où j’achète
Voici comment tout ce que je vous raconte se matérialise concrètement chez moi :
1. Des abonnements mensuels :
j’alloue un budget d’environ 10€ par mois, pour les abonnements mensuels de type Patreon. Je ne donne pas beaucoup, mais je donne, c’est un soutien entre 1 et 4 euros, à Amanda Palmer, Mathilde Guégan et plus récemment Alice Leber.
Ces abonnements, ce sont des coups de pouce qui permettent de dire "je ne t’oublies pas pendant tes périodes créatives, et je soutiens tout ton engagement gratuit pour te faire connaitre, et partager avec le monde.”
Ils permettent aux créateurs (chanteurs, écrivains, peintres, ou autres), d’avoir une stabilité dans leurs revenus. Quand on sait l’irrégularité des commandes, des concerts, et la fragilité dans laquelle nous mets la vie parfois (maladie, difficultés familiales ou créatives,…). C’est une sorte de chômage intermittent pour ceux qui ne l’auraient pas, une ressource qui permet de se sécuriser mentalement, mais SURTOUT, une ressource qui permet de réinvestir dans son projet (matériel, abonnements,..) ou de créer des contenus supplémentaires pour ses abonnés, ou pour ses offres gratuites (réseaux sociaux, newsletters, etc…).
2. Des achats ponctuels (concerts, pré-commandes, merch,…)
Ces dépenses plus classiques, sont ponctuelles, et permettent de soutenir l’artiste de manière standards : en lui achetant des choses matérielles.
Mes derniers achats de ce type :
Le dernier CD Lola Young pour l’anniversaire de mon mec
Un CASSETTE AUDIO, de Claque, oui, oui, la première que j’ai acheté depuis environ 25 ans, peut-être même la première de ma vie, car à l’époque, ce sont mes parents qui me payaient les trucs ! ;-)
des places de spectacle pour aller voir Elodie Arnould (encore un cadeau)
2 places de festival (pour un week-end en amoureux cet été)
3. des dons de soutiens (campagnes participatives, appels aux dons,…)
Don de 30 € à la Cabane de l’architecte
Achat de 25€ pour le Premier EP d'Isla Nové ~ "ÆNCRE"
Don de 10€ à la Compagnie Vers l'Unité
En recherchant, mes dons, je m’aperçois que ceux-ci diminuent avec ma situation financière, et son inexistants depuis janvier 2025….
On est aussi en droit de se demander, pourquoi il y a toujours ce besoin d’argent. Les créateurs ne vivent pas d’art et d’eau fraiche ?
4. Mais pourquoi on me demande de m’abonner partout ? Une petite liste non-exhaustive des charges qui incombent aux artistes independants
Pourquoi les créateurs ont besoin de plus d’argent, et sont sans arrêt en train d’en demander ?
D’une part, parce que si on ne demande pas, on a rien. Alors autant essayer.
D’autre part, la plus part des créateurs, ont besoin de faire des petits investissements, au-delà même d’avoir une “sécurité” financière qu’ils essayent tant bien que mal d’acquérir avec leur travail.
Il faut faire vivre son entreprise créative, qui a très très peu de marge, un bénéfice quasi-nul.
Je ne suis pas encore abonnée à sa page, mais j’adore le style direct et transparent de posts patron de Mathilde, la chanteuse, où elle explique les achats réalisés pour sa création de contenus.
J’ai envie de faire l’exercice pour vous :
1- Mes dépenses récurrentes - liée à mon activité d’artiste
On zappe Je passe sur l’achat du matériel, des cordes, des cables, de la sono, des lumières et de ma tenue de scène
Logiciel de création visuelle, de contenus, Canva pro : 109 €/an (je pourrais prendre la gratuite mais vraiment je gagne beaucoup de temps avec, et je viens de découvrir qu’ils font aussi le sous-titrage automatique des vidéos, donc no way que je les quitte)
Hébergement de mon site internet sur Jimdo : 120€/an
Nom de domaine (car sur jimdo mon site il a le nom de mon ancien groupe) = environ 10€ / an
Quelques outils en ligne pour pratiquer la musique et apprendre des trucs comme Moises (IA la plus utilise pour les musiciens - en promo black friday à 24€/année), l’appli “Complete Rhythm Trainer” (à environ 5€) ainsi que le logiciel “Meludia” pour développer son oreille musicale (en black friday aussi à 44,70 € l’année)
Celui là c’est mon préf : Mettre ses titres en ligne avec Imusician = 80€ / an, pour gagner 4,36€/an de droits d’auteurs venant des plateformes
et toutes les dépenses et charges de l’association qui porte la déclaration de mes concerts (car nous n’avons pas de subventions) : compte bancaire (70€/an), assurance (130€/an), tél pro (24€/an), et toutes les charges patronales possibles et imaginables (dont médecine du travail, congés spectacles, etc…et des adhésions à des organismes dont j’ignorais même l’existence : FCAP-SVP, par exemple!)
2- Les dépenses invisibles
Toutes ces dépenses qui ne sont pas monétaires mais qui coûtent du temps et de l’énergie.
Tout ce que l’artiste fait lui-même car il n’a pas le choix, il n’a pas d’équipe, il n’a pas d’argent pour faire autrement !
Liste des coûts en énergie et en temps
La recherche de clients (concerts, prestations, …)
La création de contenus gratuits : pour les réseaux sociaux, les newsletters (comme celle-ci !), etc
La planification et la stratégie
L’administratif
…
Conclusion
On peut se dire que cela ne sert à rien de donner 1€ tous les mois, et que l’on va acheter 1 tee-shirt tous les 2 ans à la fin d’un concert. Et que c’est tout aussi bien.
Mais peut-être qu’en étant arrivé au bout de cette newsletter vous comprendrez mieux la tension qu’il existe en permanence chez l’artiste indépendant.
En tout cas, je peux vous l’assurer à 100%, son art et ses appels à participations seraient bien différents s’il était payé correctement pour son travail. :)
Merci d’avoir lu ce pavé jusqu’au bout ! Si ça vous a plu, abonnez-vous gratuitement ici.
Bises
A bientôt,
Lucie
Merci pour ta transparence sur le coût de la création !